30 mai - Cherbourg / Les Pieux
Le réveil sonne, tout le monde sur le pont ! Notre courte nuit aura-t-elle suffit à nous mettre en forme pour cette première journée ? Nous le saurons ce soir : pour le moment, nous sommes dans l’effervescence du premier départ… ! Chacun gère cela comme il peut et personne ne s’organise de la même manière, les uns petit-déjeunent (hmmm… merci aux parents de Laurence pour la brioche du Vast !) pendant que d’autres s’occupent de leurs vêtements, ou préparent leur matériel, etc. Il va falloir que tout se rôde, si l’on veut gagner en efficacité le matin, mais nous sommes optimistes : le temps va nous y aider forcément.
Il est maintenant vraiment l’heure pour chacun de finaliser la préparation de ses affaires, de quitter ses vêtements de 2008 pour la tenue de 1458, faire le point sur les pieds et la pharmacie avant de refermer les sacs et mettre les chaussures. Le temps passe et nous avons rendez-vous à 9h30 rue de St Sauveur avec M. MARGUERITTE, journaliste de la « Presse de la Manche ». Nous partons donc en voiture, les 6 marcheurs emmenés par Laurence, ses parents et sa tante sur le lieu du rendez-vous qui sera notre point de départ pour notre première étape.
Nous avons un peu de mal à nous y retrouver dans ce dédale de petites rues que nous ne connaissons pas, mais nous finissons tout de même par rejoindre Jean MARGUERITTE, un monsieur charmant et plein d’humour, lui-même pèlerin de Compostelle et du Mont St Michel et, de ce fait, très sensible à notre démarche. Nous nous prêtons volontiers à une petite séance photo et à une interview sur nos tenues pour un article à paraître le lendemain dans le journal. Nous sommes plus que ravis de l’échange que nous avons avec lui car il est non seulement enthousiaste face à notre projet, mais en plus, il connaît bien le Moyen Age et les pèlerinages. Nous sommes sûrs, grâce à lui, d’avoir un bel article intéressant !
Il est quasiment 11h, tout est maintenant dit, et nous y voilà : le vrai départ… Cela nous fait bizarre de nous dire que nous y sommes, après tous ces mois de préparatifs ! Ces mois à y rêver, ces mois à craindre de ne pas être au point, ou pas à la hauteur, pour relever le défi. Ces jours prochains, ce seront les instants de vérité. Pour le moment, allons-y !
Nous traversons l’agglomération cherbourgeoise, les badauds s’étonnent de notre tenue mais ils ont l’air plutôt content de nous rencontrer et nous interrogent. Ils sont nombreux à nous souhaiter bonne route ! Mais la ville s’éloigne peu à peu, les maisons se font moins nombreuses et nous voici aux limites de la cité, avec notre première émotion : le premier panneau « Chemin de St Michel », sous lequel Isabelle, Didier, Elise, Sylvain et Nicolas prennent la pause en s’amusant, pour une image souvenir. Nous nous élançons alors sur nos premiers chemins de campagne…
Nous y marchons depuis un quart d’heure environ, et c’est déjà le premier arrêt pour vérification de pansement au pied d’Isabelle, et elle a raison, il vaut mieux vérifier avant que trop de mal ne soit fait. De nombreux arrêts de ce type suivront pour chacun d’entre nous au fil de ces neuf jours… Courage ! Nous nous enfonçons dans la verdure et les chemins sont magnifiques, bucoliques et luxuriants. Les prés se succèdent les uns aux autres, nous offrant une image rêvée du bocage normand, avec ses petites haies, ses chemins creux… Nous tâtonnons souvent dans la quête des marquages du chemin, préférant nous assurer de prendre le bon : l’étape fait tout de même 25 km, nous ne souhaitons pas trop la rallonger.
Soudain, une rivière à traverser, nous serions-nous justement trompés ? Et non, en fait le chemin EST une rivière, et ceci sur quelques mètres, sûrement en raison d’un détournement de son lit. Nous restons un peu perplexes, mais heureusement, avec quelques acrobaties, de grosses pierres judicieusement placées dans le cours d’eau nous permettent de passer au sec ! Nous continuons notre avancée, et nous voici sur une route qui grimpe, petite suée de fin de matinée Mais subitement… « Tiens donc, ne serait-on pas déjà passé par ici ? » Mais oui ! Nous nous sommes en fait un peu perdus, et nous venons de faire une petite boucle supplémentaire… Les pieds ne disent déjà plus merci !!
Nous convenons de faire notre pause repas (il est temps !) près de Virandeville. François et Laurence nous y rejoignent en vannette. Premier repos pour les pieds, cela fait du bien. Il n’y a pas beaucoup de place sur le bord de la route, nous avons du nous accommoder à l’angle d’une maison en restauration. Carottes, fruits, fromage, pain, et œuf seront nos compagnons de tous les midis à venir. Et quand on a bien marché, ils sont appréciés à leur juste valeur, croyez-nous ! En revanche, les gourdes en cuir sont loin d’être au point et après quelques heures de marche, elles fuient déjà à un tel point que l’on décide presque tous qu’on les abandonnera à l’issue de la première journée… Un troupeau de vaches conduites à pied par un couple d’agriculteurs nous contemple un instant avant de continuer son chemin. Moment bucolique… mais la pause est terminée, François et Laurence redémarrent, et nous, il nous faut déjà repartir vers les chemins creux, les sous-bois, dans la campagne verdoyante…
Tandis que nous remettons nos hottes et besaces sur notre dos, nous nous apercevons que François a oublié de remettre l’escabelle dans le véhicule !!! Pas d’autre solution que de l’emmener et la redonner à François lorsqu’il repassera près de nous après être allé faire des courses. Nicolas va donc la porter pendant 2 heures sur son dos, puisque, têtu, il ne veut pas que l’on partage entre nous les morceaux, pourtant en chêne ! Lorsque nous recroisons enfin François, nous lui déposons l’escabelle, puis une petite liste de courses « pharmacie » , avant de reprendre la route.
La journée est tout même longue… Les pieds souffrent, et la fin de l’étape se fait essentiellement sur du macadam. Ce qui fait qu’en arrivant à proximité des Pieux, nous craignons de nous perdre en cherchant tous seuls la ferme de notre hôte de ce soir, et ainsi de torturer nos pieds plus que nécessaire.
Nous appelons donc la fille de M. TOULORGE, venue spécialement de Caen pour nous accueillir chez ses parents absents pour la journée pour cause d’inhumation en Bretagne, afin qu’elle nous indique le chemin à suivre. Mais spontanément, plutôt que de nous l’expliquer, elle propose de venir directement nous chercher, accompagnée d’un cousin à elle, avec deux voitures pour y mettre tous les marcheurs : nous sommes surpris et touchés, un peu gênés même, devant tant de sollicitude, mais mille mercis, nos pieds vous bénissent !!
Et voici enfin note halte ! Nous arrivons dans la cour d’une ancienne ferme aux bâtiments monumentaux et élégants, la maison de maître veille sur les granges qui entourent la cour, ainsi que sur les par terre fleuris qui égayent la pierre. Il y règne une fraîcheur apaisante. Vite se déchausser, aérer les pieds, profiter du large perron pour s’installer !
C’est un accueil chaleureux que nous trouvons chez M. TOULORGE, tout d’abord avec sa fille qui nous offre de nous désaltérer (nous sommes d’ailleurs dans un tel état de fatigue, et on nous propose tant de boissons au choix, que nous en restons presque muets et indécis !), et de nous poser tranquillement sur la terrasse, dans ce cadre merveilleux et serein. Cette ferme n’est plus en activité, M. TOULORGE est depuis longtemps à la retraite, et il y règne une ambiance de petit manoir anglais, douillet, verdoyant, avec un jardin simple et luxuriant. April la gentille chienne n’est pas en reste non plus pour nous faire la fête ! Nous ne nous attendions pas à un tel accueil, et cela nous fait chaud au cœur…
François arrive avec le véhicule logistique, lui aussi aura bien usé de l’énergie à courir dans tous les sens pour nous faire les appoints de pharmacie, petit bricolage en tout genre, bouteilles d’eau pour remplacer les gourdes, etc. Une quête inachevée encore : trouver de la semelle de caoutchouc, car nous avons oublié le cuir pour ressemeler et le macadam use les chaussures à une vitesse ahurissante…
On nous indique le grenier de la belle grange en pierre, on nous y a installé une échelle de meunier pour y monter confortablement, elle a été fraîchement balayée, et équipée d’une lampe par le maître des lieux : ce sera parfait, un vrai palace que l’on nous met à disposition gracieusement ! Nous y installons nos couchages, nous sortons nos affaires du van, nous commençons de cuisiner… Flocons d’avoine, oignons et lard rissolé pour une bonne potée reconstituante… Hmmm…
M. et Mme TOULORGE, quant à eux, arrivent enfin, heureux de nous trouver sous le soleil alors que la Bretagne est sous la pluie ! Ce charmant couple nous dit son plaisir de nous recevoir, sa gêne de nous offrir « seulement » un pauvre grenier sans confort… ! Mais nous ne pouvons les laisser dire cela puisqu’ils nous ouvrent les portes de leur demeure pour les toilettes, la douche, et même la véranda pour y prendre notre repas bien au chaud !! Et voici de quoi arroser le repas, nous n’en revenons pas, vin pétillant, cidre de pays offerts par M. et Mme TOULORGE et leur fille, de quoi faire rire les gosiers !...
Mais le jour est passé, le soir s’avance, et il nous faut maintenant aller dormir, demain s’annonçant comme la plus longue journée. La marche aidant, nous nous endormons comme des bébés, à peine gênés par la fraîcheur de la nuit normande…