4 juin - Ancteville / Lingreville
La nuit a été excellente, et nous nous réveillons d’un bon pied ! Un bon petit déjeuner, et pendant ce temps-là, nous mettons à sécher tout ce qui en a besoin : le soleil pointe de nouveau le bout de ses rayons. Le même rituel s’enchaîne, comme chaque matin, avant que nous soyons enfin prêts à partir. François et Nicolas trépignent d’impatience à voir le temps que certains d’entre nous mettent pour se préparer !...
Aujourd’hui, les chaussures ne sont cependant pas totalement sèches loin de là. Soline et Isabelle ont toujours leur problème de talonnettes qui se déplacent à cause de l’humidité et qui créent des pincements au talon, et donc des ampoules (les autres n’ont pas ce problème, heureusement pour eux !), elles décident de les remettre tout de même, en espérant qu’elles ne bougeront pas trop. Nous commençons enfin à marcher, avec la ville de Coutances comme point de rendez-vous pour ce midi, sous le soleil : du baume au cœur…
Nous parcourons d’abord un petit tronçon de route goudronnée puis nous entrons avec joie dans un chemin de terre, tout de même plus confortable. Mais notre joie est de courte durée car très vite, la terre devient de la boue, des flaques apparaissent, et nous pensons tous à la même chose : pas une seconde journée comme celle d’hier !! D’autant plus que nous sommes partis aujourd’hui pour 28km !... Elise proteste d’autant plus fortement qu’elle sent toujours une douleur à l’arrière de sa cheville, et qu’en conséquence, elle craint de refaire un parcours chaotique et physiquement traumatisant. Nous rebroussons donc chemin pour suivre la route, moins agréable sous les pieds, mais heureusement plus au sec !...
Nous tentons cependant, à chaque fois que cela nous semble possible, de retrouver un chemin plaisant et verdoyant, mais si la carte nous les indique, la réalité de Dame Nature est toute autre, et les broussailles nous forcent souvent à retourner sur nos pas… Nous en traversons cependant quelques passages, utilisant nos bourdons pour soulever des branchages, abattre des ronces ou des orties, monter ou descendre des talus abrupts, etc. Quelle aide précieuse en mille situations que ces bourdons ! Nous comprenons chaque jour d’avantage les raisons pour lesquels ils sont les fidèles compagnons des pèlerins.
Si nous bataillons ainsi dans les chemins, c’est aussi que le balisage n’est pas si aisé que cela à suivre sur cette étape. Des réaménagements d’itinéraire ou de portions de chemin ont probablement été faits, et le marquage n’a sûrement pas encore été réactualisé… Mais que sont jolies lorsque l’on arrive près de Coutances, ces petites rivières ombragées que l’on suit, et qui chantent sous le soleil aussi gaiement que les oiseaux ! Ce n’est cependant pas aussi facile pour tout le monde de goûter les beautés du paysage : Elise a de plus en plus mal à la cheville et craint que cela ne dégénère comme pour Nicolas. Elle s’économise comme elle peut, mais songe à s’arrêter à midi et ne pas faire la fin de l’étape afin de se reposer.
Nicolas et François nous attendent depuis un bon moment à Coutances lorsque nous y arrivons enfin. Nous finissons cette demi-étape avec du macadam, chose normale pour une entrée de ville, mais toujours douloureuse pour nos pieds éprouvés. Soline et Isabelle ont assez mal au talon, à cause de leurs talonnettes, et ne songent qu’à arriver à la Cathédrale pour se poser. Chacun ses « priorités » : après les difficultés rencontrées pour se repérer sur l’itinéraire, Didier et Sylvain devisent quant à eux ardument pour savoir sur quelle route nous nous trouvons et ne sont pas d’accord ! Allez les hommes, peu importe, l’important, ce sera de s’asseoir !
Nous arrivons à la Cathédrale où une petite visite s’impose. Nous admirons ses proportions, les perspectives de ses colonnes, les chapelles... Nicolas et François nous y rejoignent et une magnifique fresque représentant St Michel retient quelques instants notre attention. Chacun trouve à se ressourcer spirituellement, physiquement ou religieusement, selon son cœur. Nous ressortons ensuite et c’est dans ses jardins que nous décidons d’aller manger, installés au soleil pour en admirer l’architecture flamboyante dont les siècles nous contemplent.
Tout le monde déchausse pour continuer de faire sécher les chausses et chaussures. Soline retire les talonnettes ne sachant pas si elle les remettra cet après-midi. Elise discute avec Sylvain de son arrêt à ce stade de l’étape. Nous nous restaurons cependant tous avec appétit et bonne humeur car nous sommes tous réunis, le ciel est clément et nous en sommes heureux. Nous devisons les uns les autres de nos maux de pieds ou de jambes, après cette demi-étape très goudronnée, et Elise annonce qu’elle s’arrête là pour aujourd’hui et qu’elle ne marchera pas demain : elle et Sylvain loueront une voiture pour être autonome et se reposer. Nicolas est très surpris de cette décision unilatérale car lui souhaite justement marcher demain et François également ! Il y a donc possibilité de s’organiser correctement pour que chacun y trouve son compte : Elise et Sylvain pourraient être autonomes dans le van, et Nicolas et François pourraient de ce fait marcher sans se soucier du véhicule logistique. Pour ne brusquer personne nous décidons tous d’en reparler ce soir.
Elise repart donc avec François et Nicolas, et c’est donc à quatre marcheurs que nous reprenons la route. C’est terrible pour le moral, car au sixième jour, nous avons perdu 1/3 de l’effectif ! Nous nous motivons cependant pour avancer, chacun à sa manière : Soline se dit par exemple qu’elle marche pour Nicolas qui ne peut plus le faire…
Nous suivons de nombreuses routes bitumées, et nous marchons autant que nous pouvons sur les bordures herbeuses. Finalement, nous n’avançons pas si mal, à tel point que parvenu au Pont du Roc, nous décidons que nous pourrons sûrement tenir sans problème jusqu’au point d’étape : au bout d’un moment on marche sans plus penser à autre chose qu’à avancer… !
Nous continuons d’un bon pas, et alors qu’il ne nous reste plus que 3 km, nous voyons François arriver : il a fait un repérage de la route, et il nous annonce que ce ne sera que du macadam, rien de très joli à voir, ce qui fait qu’il nous propose de nous déplacer en van de la route vers la plage pour que nous fassions les derniers kilomètres dans un décor plus agréable jusqu’à Lingreville. C’est d’accord ! Il nous amène ainsi rapidement jusqu’aux dunes dans les environs de Hauteville sur Mer, et nous gagnons aussitôt le sable. Ah… de l’air pur et la mer !... Que c’est bon, respirer la brise à grandes goulées, écouter le bruit des vagues, et saluer le soleil de fin de journée qui descend sur l’horizon marin…Nous en oublions presque nos pieds !
Didier et Sylvain marchent ensemble, largement en tête. Comme toujours ils font des pointes à bonne allure, laissant loin derrière Isabelle et Soline qui doivent d’avantage écouter leur corps et gardent une marche modérée et constante. Ce n’est pas bien grave, chacun a son rythme, et il n’y a pas de mal à marcher tranquillement en devisant, c’est l’occasion de moments de partages privilégiés ! Ceci dit, l’émulation entre Sylvain et Didier fonctionne tant et si bien qu’ils accélèrent au point qu’Isabelle et Soline finissent par les perdre de vue ! Mais ce sont eux qui ont les cartes ! Allez, ce n’est pas grave, François est là pour les guider et les encourager. Il leur propose même de faire un pied de nez aux hommes en montant dans le van pour arriver les premières, mais elles refusent : c’est qu’elles tiennent à faire le chemin jusqu’au bout, non mais !
Les pas s’additionnent les uns aux autres à tel point que cela en devient hypnotique, et Isabelle et Soline ont maintenant l’impression qu’elles pourraient aller au bout du monde, ne pas s’arrêter en passant devant François et Nicolas qui les attendent sur le bord de la route devant la maison de M. et Mme REMIGEREAU, nos hôtes de cette étape…
Cependant, ça y est, nous sommes tous arrivés ! Nous pouvons nous installer, prendre place dans le tipi où nous passerons la nuit : encore un lieu atypique pour dormir, c’est aussi le charme de cette aventure !... Et puis les toilettes sèches, la douche solaire, c’est formidable, cela fait réfléchir et nous sommes tous séduits ! Mais la soirée ne fait que commencer et Bernard REMIGEREAU nous a conseillé, si l’envie nous en dit, d’aller vers 21h voir la route submergée du Havre de la Vanlée : nous y passerons en effet demain à pieds secs, et c’est une des rares occasions dans l’année, en raison des grandes marées, de la voir entièrement recouverte d’eau une douzaine d’heures avant notre passage. Bien sûr que nous sommes intéressés !
Nous profitons des commentaires de notre hôte qui nous explique le phénomène naturel qui régit les salines et les prés-salés en ce lieu classé depuis 1988. Nous profitons et nous admirons les reflets sur l’eau, les lumières changeantes de la tombée de la nuit… Nous nous amusons de l’absurdité de la signalisation routière à ce moment-là, de Nicolas qui fait le pitre en se découvrant un petit Torneirieland, etc. Chacun laisse également ses pensées voguer au fil du courant devant tant de paix et de beauté. La fraîcheur du soir se manifeste peu à peu, et finalement la station debout laisse les douleurs corporelles se manifester progressivement. Soline et Isabelle étaient fières d’être allées au bout de la journée de marche en endurant courageusement l’effort, mais là, c’est leurs articulations et leurs muscles qui se rappellent à elles ! Elles n’aspirent plus qu’à une chose finalement, rentrer au chaud et s’allonger…
Devant leur fatigue, les autres font en sorte que le repas puisse être pris dans le tipi, et si la nourriture bien chaude est réconfortante, Soline tombe de sommeil entre chaque plats. Personne ne fera long feu ce soir, le temps de soigner les pieds, et vite dormir ! Les plus fatiguées peinent tant à se dépêtrer de leurs vêtements pour se glisser sous les couvertures que c’est comique : « Au secours, il y a une vieille Polonaise complètement saoule qui cherche à entrer dans mon lit ! » crie Nicolas. Tout le monde s’esclaffe de bon cœur, même la première concernée. Ah qu’il est bon de s’endormir en riant !...