5 juin - Lingreville / Granville
Aujourd’hui, comme prévu, Elise et Sylvain ne marcheront pas. Ils auront la charge de tout ranger, charger le van, et contacter la halte de ce soir. Entre temps, ils nous rejoindront pour la pause du midi. Elise préfère en effet laisser reposer sa cheville afin de pouvoir terminer le pèlerinage dans les meilleures conditions qui soient, et Sylvain souhaite profiter de la journée avec elle puisqu’il s’agit pour eux de leurs vacances.
Nicolas, comme prévu, a décidé de tester sa cheville en remarchant durant une journée avec son atèle. Si cela ne va pas, il s’arrêtera, mais il souhaite voir ce qu’il peut faire pour tout de même continuer un peu à marcher, et surtout pouvoir faire la traversée de la Baie dans 2 jours… Le fait qu’Elise et Sylvain fassent une pause va aussi permettre à François de marcher durant une journée avec nous, ainsi qu’il souhaitait le faire. Ces deux là, pour des raisons d’endurance et de précaution, marcheront à leur rythme, et nous serons bien content de les suivre ainsi, cela nous reposera également !
Toujours autant agacés par la longueur de nos préparatifs de pieds, François et Nicolas décident de prendre de l’avance aussitôt terminé le petit-déjeuner. Ils partent donc avant Isabelle, Didier et Soline, tranquillement, les attendre sur la plage.
Nous disons au revoir à nos hôtes, nous les remercions pour l’expérience écologique qu’ils nous ont permis de vivre, et nous partons tranquillement pour rejoindre la mer. Tout doucement, que les muscles chauffent… Nous apercevons peu à peu, au loin, un drôle de pirate qui agite un drapeau à notre attention ! Ah non !... Ce n’est pas un pirate, c’est Nicolas qui guettais notre arrivée et qui a accroché son chaperon à son bourdon pour l’agiter !... Nous entamons notre septième journée de marche en riant !
Nous suivons la plage en devisant gaiement, contents que Nicolas soit de nouveau des nôtres, et puis que François partage un peu notre expérience de marcheurs… Nous sommes sereins face à cette journée car nous allons faire essentiellement de la marche sur le sable et le temps est clément. Le paysage maritime a changé, et nous réalisons vite que ne pouvons finalement pas toujours suivre le sable en raison du niveau où arrive l’eau. De nombreux éboulis de sable et de végétation montrent également à quel point la mer peut avancer sur la terre. Mais les bords déchiquetés du chemin mêlés aux buissons torturés forment un paysage splendide… Les fleurs sont nombreuses, colorées et contrastées parmi les herbes délavée par le sel et le soleil. Nous découvrons même une magnifique orchidée sauvage qu’aucun d’entre nous n’avait rencontrée avant, sûrement une « Orchis Bouc », rare en ces contrées Normandes ! Un petit court d’eau à passer, il va falloir de nouveau s’aider du bourdon pour sauter. François semble faire le difficile, mais c’est pour se moquer : avec sa taille il n’a qu’à tendre la jambe au-dessus et d’un pas sans effort, il enjambe l’obstacle ! Tssst…
La présence d’un petit havre nous oblige à prendre quelques petites routes dans la campagne maraîchère du bord de mer. Les coquelicots nous saluent joliment, et les légumes frais dans les champs font envie à nos estomacs pourtant matinaux. Nous nous dirigeons maintenant vers le Havre de la Vanlée : nous allons passer à sec la route submergée que nous avons vue hier soir… ! Comme c’est étrange de voir ce matin le décor totalement différent, les prés salés, la petite rivière bien sage, et la route totalement sèche ! Seuls coquillages, traces d’écume de mer déshydratée, et autres os de seiches abandonnés par le courant dans les herbes témoignent de la submersion des lieux.
Les panneaux de signalisation routière ont repris tout leur sens, et nous longeons les cabanes des moutons encore absents des pâturages pour le moment trop salés… Nous traversons gaiement, bientôt rejoints puis dépassés par Elise et Sylvain dans le van : ils sont tous souriants, semblant vraiment heureux de cette journée de pause dans l’effort, et rendez-vous est pris pour les retrouver pour manger à St Martin de Bréhal ce midi. Ils disparaissent bien vite sur l’horizon, nous laissant à la notre chemin qui serpente dans ce paysage étrange de prés salés évoquant parfois les tourbières. Nous rejoignons ensuite de nouveau la plage pour nous rendre au lieu de rendez-vous.
Comme toujours la pause du midi est l’occasion de mettre les pieds à l’air. Nous nous restaurons en admirant la mer et le ballet incessant des mini-tracteurs servant à la culture des moules, tels des petits crabes laborieux constellant le sable. Pour les gens qui nous voient, le tableau est improbable : des visiteurs du passé au beau milieu d’une plage ouvrière et touristique du XXIe s. !
François, qui a marché avec entrain, annonce soudain qu’il ne repartira pas sans avoir sacrifié à son rituel du midi habituel : un petit café en terrasse. Didier et Nicolas sont aussitôt partants, ce qui fait que nous en profitons tous, et finalement, les commerces modernes nous attirent insensiblement… Gourmandise… N’est-ce pas un péché ?! On va y réfléchir… En attendant, Soline veut payer le café à tout le monde, puis la glace dont nous rêvons tous, mais, dépourvue d’argent liquide, le seul moyen de paiement qu’elle ait, sa carte bancaire, n’est pas accepté chez les commerçants où nous allons. Vexée, elle refuse de manger une glace, préférant rester têtue et fermée que de passer outre. Nicolas a bien de la patience pour la faire revenir à meilleure raison… !
Chacun déguste en marchant, Elise et Sylvain nous accompagnent sur quelques centaines de mètres. Sylvain, en tenue du XXIe s. avec son sac à dos, dénote dans notre paysage pèlerin ! Il leur faut de toute manière retourner au véhicule, et nous nous les quittons pour poursuivre vers Granville.
La pointe de la ville commence à se dessiner de plus en plus précisément sur l’horizon devant nous, nous distinguons les remparts, les rochers découverts par la mer au pied, la ville moderne, les pierres centenaires… La ville haute est en effet établie sur une presqu'île ceinturée de falaises de schiste, appelée Pointe du Roc. Nous vérifions quelques instants l’itinéraire afin de voir s’il nous sera faisable de continuer le plus possible sur le bord de mer avant d’entrer dans le bourg et nous distinguons un passage au pied du casino. Juste avant d’y parvenir, nous faisons de nouveau une pause aération des pieds pour François, qui désire vérifier qu’il n’a pas d’ampoule. De nouveau, dans le sable, des coquillages en grand nombre, et même des coquillages à manger ! Nous aurions bien envie d’une fricassée de fruits de mer ! Quelques coquilles pour la collection, des miniatures, des jamais vus, et puis il faut avancer…
Nous entrons en ville, enfin. Mais nous nous rendons vite compte que nous devons faire face à une foule d’agression sonores, odorantes, visuelles : nous ne sommes plus habitué à un tel grouillement de vie urbaine. Ne pas rester là, aller plus loin, avancer. Nous passons devant le casino, les restaurants. L’un des patrons nous regarde passer et nous interroge sur nos tenues, nous échangeons quelques mots : il souhaite bientôt partir faire Compostelle ! Nous tentons de partager un peu de notre expérience avec lui, mais il semble finalement déjà tout « savoir » et nous écoute à peine, aussi nous n’insistons pas et lui souhaitons bonne route…
Elise et Sylvain doivent nous rejoindre à Granville, mais nous n’avions pas décidé en quel lieu précisément. Nous décidons de poursuivre jusqu’à l’extrémité de la Pointe du Roc, où l’itinéraire s’arrête pour cette étape. De leur côté, eux passent comme prévu voir notre halte de ce soir. La Mairie de Granville a eu la gentillesse de nous proposer la mise à disposition gratuite d’un hangar de bois, annexe du Centre de Loisir Château-Bonheur et qui sert habituellement à stocker les canoës, et qui possède point d’eau, point douche, toilettes, et même un barbecue ! Ils s’y rendent avant que M. Thierry POIRIER, Directeur du Centre de Loisir, ne s’en aille, afin de prendre les consignes pour l’occupation des lieux.
En cheminant le long des remparts, le panorama sur l’horizon et sur les Iles Chausey est magnifique… Un véritable appel du Grand Large, si l’on se plaisait à l’écouter. François a distancé Soline, Isabelle et Didier qui s’arrêtent pour bavarder avec une sympathique Granvillaise qui les a involontairement alléchés avec son panier de retour de pêche à pied. Elle répond bien volontiers à leurs questions sur les fruits de mer qu’elle a ramassés, tandis qu’elle les questionne sur leurs tenues. Un échange convivial, agréable et instructif ! Allons, il faut tout de même continuer.
Elise et Sylvain nous rejoignent près du phare de Granville, comptant nous récupérer afin que l’on aille acheter tous ensemble de quoi faire cuire au feu de bois pour manger le soir, mais la configuration du van ne nous le permet pas, et nous préférons les attendre en contemplant le ballet du port, c’est plus raisonnable… Même si le temps fraîchit pendant que nous les attendons, avouons-le ! Ah il était temps qu’ils reviennent, nos logisticiens du jour !...
Arrivés au centre de loisir, nous nous installons confortablement sous le hangar prévu, avec quelques craintes vis-à-vis de la fraîcheur de la nuit vu l’ouverture du hangar, mais nous ne sommes plus à cela près… Par contre, lorsque nous voulons tester le fonctionnement des douches, quelle n’est pas notre surprise : uniquement de l’eau froide, l’eau chaude n’a pas encore été mise en route pour la saison ! Heureusement, il y a ici un gardien, que Sylvain et Nicolas vont chercher. Ce monsieur ne saura guère faire mieux face au chauffe-eau, il faudrait des professionnels ! Ennuyé, cependant, de ne pas pouvoir nous installer l’eau chaude, il s’arrange pour nous mettre aimablement à disposition les sanitaires du personnel du centre ! Grand merci, quel réconfort avant la nuit !...
Entre-temps, Nicolas prend le temps de réparer les chaussures qui en ont besoin : ressemeler, coller un renfort, etc. il y a toujours quelque chose à faire de ce côté-là, et puis nettoyer, graisser… Nous en aurons passé du temps autour de nos chaussures… mais pas autant qu’autour de nos pieds !
Ce soir la cuisine au feu de bois donne à notre repas un air de fête, et la soirée passe bien vite, la dernière où nous sommes ainsi à sept, dans l’intimité de notre groupe : à bien y songer, on s’y est bien habitué, et cela fera quel effet, demain soir, d’accueillir de nouveaux venus ? Nous verrons bien, sûrement une bouffée d’air frais ! En attendant, il faut aller rejoindre Morphée, non sans avoir préalablement installé les tables en guise de coupe-vent pour nous prémunir du froid attendu cette nuit…