6 juin - Granville / Champeaux

Publié le par ARTEMIS - Art Thème Histoire

Nous nous réveillons après une bonne nuit passée sans avoir souffert du froid, finalement… Voilà, c’est notre dernière journée « tous seuls ». Nous nous préparons. Les chaussures ont encore un peu séché, mais Isabelle et Soline craignent qu’elles soient encore trop humides pour que les talonnettes tiennent de nouveau correctement. Elles décident donc de faire la journée sans talonnettes, tout en sachant qu’elles auront sûrement bien mal aux pieds en fin de journée. Tant pis.

Thierry POIRIER vient nous saluer le matin avant notre départ, nous posant quelques questions sur notre aventure et sur l’itinéraire de nos deux dernières étapes.

François nous emmène ensuite pour que nous reprenions le Chemin à l’endroit où nous l’avions arrêté hier, sous le soleil et le vent fraîchissant, puis il repart pour retrouver Nicolas resté à l’étape avec le matériel. Ils nous rejoindrons pour ce que, selon la légende,  le général Eisenhower
aurait nommé « plus beau kilomètre de France »…

Le chemin pour quitter la ville serpente à flanc de rocher, entre hautes herbes, buissons et jardinets de maisons. Les points de vue sont saisissants, nous laissant croire que nous sommes dans quelque île exotique plutôt qu’en Normandie ! Le soleil donne à la mer des couleurs éblouissantes et la végétation semble livrer une bataille incessante contre la roche…

Nous descendons finalement sur la plage pour marcher de nouveau quelques temps sur le sable, mais le bord de mer est assez urbanisé à cet endroit et le chemin nous amène vite à quitter la côte pour entrer un peu plus loin dans les terres. Nous devons malheureusement marcher assez longtemps sur le macadam et même si nous ne suivons que de petites routes tranquilles et très agréables, la douleur commence de s’emparer des pieds de Soline et d’Isabelle. Elles espèrent que l’itinéraire nous remettra bientôt sur un chemin plus confortable pour les pieds, mais ce n’est malheureusement pas le cas, et plus les kilomètres passent, plus cela fait mal, dans les pieds, les chevilles, les tibias, mais aussi le dos, les hanches. Les talonnettes leur font bien défaut, et il leur faut serrer les dents pour poursuivre jusqu’au moment de la pause déjeuner. Nous comptons aller jusqu’à Carolles, afin d’avoir fait une bonne partie du chemin avant de nous restaurer.

Nous arrivons enfin à un premier point de vue sur Carolles-Plage au bord de mer. Il était plus que temps, et Soline se laisse tomber sur le banc qui se trouve là. Isabelle s’assoit également. Tous les autres font de même, regardant l’itinéraire pour savoir si nous allons manger à cet endroit ou pas. La douleur décide finalement à notre place : Soline ne repartira pas avant d’avoir mangé, fait une pause, et surtout, remis ses talonnettes dans ses chaussures enfin sèches ! Elle et Isabelle se déchaussent pour soulager leurs pieds, faire sécher leurs chaussures. Chacun s’installe confortablement comme il peut, se mettant à l’aise avant de manger.

Nicolas et François prennent contact avec nous pour nous localiser et nous rejoindre pour manger. Didier tente de leur expliquer où nous sommes, mais ils doivent nous recontacter plusieurs fois avant de réussir à trouver l’endroit où nous nous sommes arrêtés. Une fois arrivés, ils sont tous contents de nous montrer leurs achats de la matinée : des grelots en laiton pour mettre sur leurs bourdons, les pèlerins s’en servaient pour éloigner le mauvais sort !

Isabelle et Soline racontant leurs déboires avec leur chaussures en l’absence de talonnettes, Nicolas leur propose de les remettre en place et de les coller afin qu’elles ne bougent plus.  Voici une proposition bien agréable, le reste de l’étape sera sûrement moins pénible grâce à cela !
Nous terminons notre pause repas par une bonne sieste au soleil, de manière à reprendre des forces pour pouvoir savourer le chemin que nous parcourrons cet après-midi : nous tenons tous à profiter au maximum de ce fameux « plus beau kilomètre de France » !... François et Nicolas repartent alors que nous nous laissons aller au sommeil, ils vont aller se changer et remettre leurs habits de 1458 pour se joindre à nous pour ce tronçon de l’étape.

Nous sommes bien installés à nous reposer, mais il faut repartir, il nous reste tout de même du chemin à parcourir avant de rejoindre notre point d’étape de la nuit. Dès que le groupe repart, Soline et Isabelle peuvent apprécier le changement net des sensations sous leurs pieds, grâce aux talonnettes remises en place par Nicolas. Quel soulagement ! Elles vont vraiment pouvoir profiter des beautés du chemin de cet après-midi !...
Nos pas nous emmènent descendre un escalier, rejoindre la plage sans y poser nos pieds, puis remonter un autre escalier pour gagner un point de vue et la table d’orientation. Là nous attendent Nicolas et François, prêts à marcher avec nous, en tenue médiévale. Un moment de contemplation de l’horizon : eh oui, nous venons de la bas, la pointe de Granville ! Déjà si loin sur l’horizon ensoleillé…! Et nous nous élançons, pour la première fois au grand complet, sur le chemin… Sillonnant d’abord à flanc de falaise dans les hautes herbes, nous voyons peu à peu la végétation se transformer, paysage escarpé et sauvage  dans lequel nous nous enfonçons peu à peu. La pierre est à fleur de sentier, chaotique, et les ajoncs nous forment une haie d’honneur lumineuse, parmi les arbustes et fleurs sauvages.

Nous nous sentons étrangement comme sur une île, exotique ou provençale, on ne saurait dire, mais à tout point de vue époustouflante et déroutante. Nous avançons, descendant en fond de vallée dans l’étonnante brèche taillée d’un coup dans la roche, sous un soleil éclatant, puis le chemin tortueux et abrupt remonte de l’autre côté du petit ruisseau discret qui gazouille et chantonne. Nous nous retrouvons de nouveau au sommet de la falaise, d’ou le point de vue sur la mer est admirable. La nature s’offre à nos yeux, parée d’un magnifique nuancier de bleus, de verts et de gris parsemés du jaune soleil des ajoncs et des genêts. Le sentier suit de nouveau la falaise et nous arrivons enfin en vue de la cabane Vauban, et de là… la Merveille… Enfin !... Le but de notre périple se dessine à nos yeux, le rocher de l’Archange encore dans le lointain, entouré comme depuis l’éternité par une mer d’eau ou de sable, selon le moment de la marée. Moment magique, instant d’émotion. Nicolas et François nous improvisent un petit interlude qui nous fait tous rire, en campant les personnages de deux supers héros nés de leur imagination ce midi, super héros nommés Bâtonman et Robinet, dont la mission est de protéger les pèlerins…! Didier lui se recueille silencieusement pour goûter l’instant… Chacun trouve sa manière d’immortaliser le souvenir de ce lieu et de ce moment dans sa mémoire.

C’est à cet endroit que Nicolas et François nous quittent pour rebrousser chemin et récupérer le van là où ils l’ont laissé. Nous poursuivons à cinq le chemin qui va nous rapprocher chaque pas d’avantage du Mont St Michel. Tantôt visible, tantôt caché par les genêts, le rocher semble nous attirer inexorablement, perdu entre les flaques d’eau aux reflets irisés répondant aux nuages, tableau mouvant de grisaille et d’ocre liquides… Nous continuons notre progression sur la falaise escarpée encore un bon moment avant de rejoindre la route et de bifurquer vers l’intérieur de la campagne : Champeaux n’est plus loin, nous sommes bientôt arrivés. Nous parcourons tranquillement les petites routes, la fatigue est là, mais nous goûtons pleinement ces derniers moments de voyage en petit groupe. Nous savons tous que ce soir, d’autres pèlerins vont nous rejoindre pour le dernier jour, et que l‘arrivée en vue du Mont à la cabane Vauban aura été pour nous la « vraie » arrivée de notre pèlerinage intime. Nous demandons notre route, et nous endurons silencieusement les derniers kilomètres de macadam de la journée. Nous voyons soudain Nicolas et François devant l’entrée d’une ferme équestre, nous y voilà ! Nous sommes arrivés chez Thierry JOLLY qui nous accueille en souriant chez lui pour cette nuit.

Nous nous présentons et il nous emmène vers la grange où nous allons dormir. Notre hôte est charmant, plein de bonne humeur et de joie à partager, il nous présente son domaine, mais aussi ses amis à quatre pattes : Litchi a cochonne vietnamienne, Astra le chien, Cocaïne la gentille chatte écaille de tortue, mais aussi les lapins, les cobayes, la famille de souris nichée dans une mangeoire, les chevaux Tarpan paisibles et séduisants, etc. Thierry JOLLY aime les animaux, aime la nature, et ne regrette pas, bien au contraire, d’avoir un jour élu domicile en pleine campagne, ici.

Il nous a gentiment installé tables et bancs, des matelas dans un box, et du foin dans une superbe charrette. D’autres bottes de foin sont à notre disposition pour nous installer un nid douillet comme nous le souhaiterons, que pourrions-nous désirer de mieux ?

Ce soir, cinq personnes doivent nous rejoindre pour passer la soirée et le dernier jour de notre route avec nous : Laurence, ainsi que Noëlle et Florent, Stéphanie et Matthieu, des amis du Nord de la France que notre projet a séduit et qui ont eu envie d’en partager un petit morceau. Nous installons donc nos affaires avant de préparer à manger pour les accueillir au mieux lorsqu’ils arriveront. Soline et Nicolas décident de s’installer dans la belle charrette, ils vont la partager avec Didier et Isabelle, qui arbore un sourire lumineux rien qu’à penser à la nuit savoureuse qu’elle va y passer. François choisit le tombereau à balayer pour y passer la nuit avec Laurence, mais sans foin en raison de ses allergies. Elise et Sylvain, eux, se réservent les bottes de foin pour s’y construire un petit fortin !

Ces installations terminées, chacun se détend, vaque aux occupations nécessaires, visitent, etc. à sa guise. Nicolas s’installe pour confectionner deux masques de cuir que lui et François comptent arborer pour faire une surprise aux « nouveaux » demain. François part finalement pour aller chercher Laurence afin qu’elle trouve facilement le lieu de l’étape. Et le repas est prêt lorsque les Nordistes arrivent après de longues heures de voyage pour nous rejoindre. Rires et sourires, joie des retrouvailles après de longs mois sans s’être vraiment vus, et puis mille et une questions qui fusent de part et d’autre, la bulle vient d’éclater, s’ouvrant d’un seul coup au monde extérieur … Nous racontons nos aventures à qui veut l’entendre, les nouveaux venus en sont friands. Ce que nous racontons rappelle à Florent et Noëlle leur propre vécu, il y a quelques années, sur une partie du Chemin de St Jacques du Puy vers Compostelle. Souvenirs et expériences croisées… C’est en devisant gaiement que nous passons la soirée, nous réchauffant de convivialité et de partage sous cette grange simple et accueillante.

Mais le temps passe si vite, il nous faut aussi penser à dormir ! Chacun va s’installer le plus confortablement du monde dans son nid de fortune. Les Nordistes trouvent asile dans le box, sur les matelas. Des rires percent cette nuit sans étoiles, certains auront du mal à dormir. D’autres feront raisonner l’atmosphère à grand renfort de ronflements… Mais finalement, les corps et les esprits fatigués sombrent bientôt dans un profond sommeil…

Publié dans Les étapes

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