31 mai - Les Pieux / St Maurice en Cotentin

Publié le par ARTEMIS - Art Thème Histoire

Réveil à l’heure de l’Angélus, comme chaque matin à venir… C’est étrange comme s’installe déjà le rituel du lever, chacun examine ses pieds, soit une fois debout, soit encore sur sa couche… On panse, on protège, avant de s’habiller et de se chausser. On replie les couchages plus ou moins efficacement pour ce premier matin sur le chemin, mais cela s’améliorera sûrement ! Petit déjeuner, prendre des forces pour la journée, car on annonce 30 km jusqu’au lieu d’étape du soir, allons-nous y arriver ? Puis on prépare le contenu des hottes, les réserves d’eau, de fruits pour l’effort, etc.

M. MARGUERITTE, le journaliste d’hier nous a rejoint chez M. TOULORGE pour faire un second article, quelques photos sont prises avec toute la famille sur le perron de la maison, le temps des adieux est arrivés. C’est touchant car nos hôtes nous photographient en semblant tous émus de nous voir partir sur le chemin, ils agitent la main en guise d’au-revoir et nous promettons de les tenir au courant de nos pérégrinations…

Nous reprenons la route sous le soleil du matin, dans la bonne humeur. La nuit a chassé nos douleurs dans les jambes et dans nos pieds !

Nous regardons rapidement la carte à mesure que nous avançons et nous décidons que le sable sera le revêtement le plus agréable sous les pieds, et que nous pourrons également y gagner un peu côté kilométrage. Nous traversons donc rapidement Les Pieux en direction de la mer.

Et soudain, premier panorama sur la mer ! Une bouffée d’émotion, un grand bol d’air, on se sent d’un seul coup fouetté par un regain d’énergie ! Amples sous le regard, le sable s’étend en contrebas du chemin et la mer se déploie sous le ciel bleu, semblant appeler nos pieds… Patience on arrive !

La plage de Sciotot est immense, mais il en sera ainsi de toutes les plages de cette côte Ouest de la Manche que nous allons parcourir presque dans sa totalité. Marcher sur le sable, à marée basse, avec un vent léger, quel bonheur… ! Et puis, ne sont-ce pas des coques que nous voyons là à nos pieds, parmi tous les autres coquillages ? L’occasion est trop belle, nous en profitons pour ramasser chacun la coque, symbole du Miquelot au même titre que la coquille est celui du Jacquet, qui nous accompagnera jusqu’au Mont St Michel. Et puis ce coquillage ! Qu’il est beau ! Et celui-là ? Les escarcelles et les besaces pèsent quelques grammes de plus à chaque mètres parcourus… !

Ah quel plaisir, pas un dénivelé, pas une secousse dans les articulations, la plage dégagée est décidément le lieu idéal pour marcher notre Chemin sans souci pour les pieds ni les chaussures… si ce n’est la résurgence d’eau douce qui vient se jeter dans la mer et qui, sournoisement, sans prévenir, nous coupe la route. D’un seul coup c’est moins sec ! On fait comme on peut, on tente de trouver un passage au sec, un saut, deux sauts, on contourne, on commet quelques erreurs tactiques, et voici que l’eau est parvenue à mouiller quelques pieds malgré les chaussures montantes. Elise, chaussée de ses petits souliers bas, a quant à elle bien vite vu qu’elle ne pourrait pas passer au sec. Elle choisit donc de déchausser, et finalement, donne quelques frustrations aux autres de ne pas pouvoir comme elle profiter de la douceur du sable sous ses pieds !...

Tiens, mais n’est-ce pas un signe de St Jacques ? Une coquille trouvée sur la plage, pour nous indiquer que notre choix est bon, poursuivre la route vers Compostelle un jour ?

Nous avançons alors à bonne allure sur ce sable, et nous arrivons vite à la pointe rocheuse qui sépare la plage du Rozel de celle du Pou. Il est possible de récupérer le chemin juste avant, mais nous avons envie de tenter l’aventure dans les rochers en bas. Un sol lunaire et crevassé nous accueille.

Nicolas et Didier sont partis en avant pour voir si le chemin qui nous tente est vraiment praticable, et ils se rendent compte qu’il reste beaucoup de rochers à parcourir pour contourner la pointe, et que, la mer remontant, nous risquerions de nous trouver coincés par l’eau. Ils remontent donc vers le chemin, mais l’accès en est maintenant moins facile, et il faut escalader la pierre plate et humide, glissante de glaise par endroits, pour retrouver le chemin… Nicolas passe le premier et parvient au sommet, Didier le suit, mais par un autre accès, moins facile encore, et manque de glisser dangereusement. Il met quelques minutes à retrouver une prise correcte pour se hisser, mais il y parvient quand même ! Ouf, ils ne seront pas trop de deux pour aider les femmes, dont les robes ne sont pas forcément idéales pour l’escalade… ! Sylvain ferme la marche, sans problème. Nous pouvons maintenant rependre le chemin…

En haut du cap du Rozel, nous saluons au passage la statue Maris Stella, qui garde la mer et protège les marins, imperturbable. Nous grignotons un peu pour nous redonner de l’énergie, et nous repartons. La voie est superbe, à flanc de rocher, et la vue qui s’offre à nous, au détour du chemin dès que l’on aperçoit la plage du Pou, est à couper le souffle… Nous redescendons vite sur le sable, on n’y résiste pas, et bien évidemment, les femmes trouvent de nouveau coquillages. Les hommes eux, avancent. Puis Soline, devant une nouvelle résurgence d’eau douce, choisit de déchausser à son tour. Les hommes, eux, avancent. Les femmes reprennent leur marche, Soline et Elise les pieds dans l’eau, Isabelle n’ayant pas encore déchaussé, avançant tranquillement, puis elles sont arrêtées par un petit groupe de personnes curieuses d’en savoir plus sur ce gens en tenue étrange qui marchent sur le sable d’un bon pas avec leur bâton. Nous leur expliquons notre aventure, ils nous questionnent, sont intéressés, nous félicitent et nous encouragent. Cela prend tout de même un petit temps… Et les hommes, eux, avancent. Les femmes repartent, un message écrit dans le sable sur leur chemin : « Plus vite ! » Et vous croyez que c’est facile ?! On accélère le pas, pour tenter de réduire la distance, on marche du plus vite que l’on peut ainsi chargées, sur le sable, mais ils vont à bonne allure eux aussi, et ils ne s’arrêtent qu’à l’endroit où l’on devra quitter la plage. Ils s’installent tranquillement pour nous attendre. Nous sommes proches du découragement, de les voir, si petits points noirs devant nous sur l’horizon, malgré tous nos efforts ! Et puis les chevilles commencent à chauffer… Mais voilà, nous y parvenons tout de même ! Et point n’est besoin de disputer avec eux de ne pas nous avoir attendues, après tout, c’est ainsi, chacun son rythme !... Il est maintenant possible de se poser, ne nous en privons pas !

C’est amusant, nous avons tous instinctivement aligné nos bourdons, plantés dans le sable, pour y accrocher nos petites affaires ! Nous déchargeons les hottes, aérons nos pieds, désaltérons nos gosiers secs… Isabelle, qui a souffert de cette marche et gagné quelques ampoules, cède vite au besoin de sieste qui la saisit. Pour les autres, qu’il fait beau, que la mer est tentante… ! Allez, on remonte les jupes, on ôte les chausses, et on va tous se tremper les pieds dans l’eau !! Ouh !! Qu’elle est fraîche !... Mais cela fait un tel bien ! Nous sautons, rions dans l’eau, heureux d’être là, de l’instant présent, simple et hors du temps…

Tandis que nous mangeons ensuite, nos pieds sèchent. Nous devons refaire nos pansements et nos protections car l’eau de mer a décollé tous ceux que nous avions mis le matin. Puis nous rechaussons pour repartir, après avoir constaté avec plaisir que nous avions parcouru près de 2/3 de l’étape ce matin.

Nous quittons la plage aux environs d’Hatainville. « Ce sont les pèlerins pour le Mont St Michel, je les ai vu dans le journal » commentent deux marcheuses en promenade, en nous encourageant chaleureusement : l’article de la Presse de la Manche a bien été lu ! Le soleil chauffe un peu plus fort dès que nous nous trouvons sur la route, à l’abri des haies, mais il nous faut bel et bien nous enfoncer dans les terres pour rejoindre notre lieu de bivouac. Le macadam chauffe,  tape. Nous chantons pour nous donner du courage, mais l’énergie dont nous avions fait le plein tout à l’heure à la plage s’en va bien vite à mesure des kilomètres. Il nous est en effet difficile de trouver un sol meuble sur le bord des routes pour y marcher, et le goudron fait vite souffrir nos pieds, notre corps. C’est comme si les kilomètres s’allongent à mesure que nous les parcourons !... Et c’est encore loin…

Plus les kilomètres passent, moins nous parlons. Certains se concentrent sur leur douleur, d’autres sur l’énergie à puiser, et ceux qui voudraient parler n’ont plus d’interlocuteurs. Quelques tensions, dues à la fatigue, ne facilitent pas les choses… Nous sommes à la peine. Mais quand Diable arriverons-nous !!?

C’est finalement François qui devance nos souffrance, en ayant l’intuition d’aller voir où se trouve au juste la ferme qui doit nous accueillir : c’est qu’elle est bien loin du bourg de St Maurice en Cotentin vers lequel nous marchons, perdue dans dan la campagne ! Il décide donc de venir nous porter assistance pour les derniers kilomètres, nous offrant l’aide du van pour les parcourir. Nous bénissons son initiative, et son arrivée digne de celle d’un bon samaritain. Merci François, nous les femmes, n’y serions sûrement pas arrivées sans toi. Deux voyages de van plus tard, nous sommes tous à l’Hôtel Fauvel, épuisés et heureux d’être enfin arrivés. Il est déjà 20h30 ! François a trouvé le caoutchouc pour réparer les chaussures, mais ce sera pour demain !

Les vaches étant actuellement au pré, nous devons y passer la nuit dans l’étable, dans les auges, pour 5€ par personne, mais nous sommes déconfits en constatant que le sol n’avait pas été nettoyé à l’eau et que les traces de vie des vaches en ces lieux étaient encore bien présentes, visuellement, tactilement et olfactivement parlant…! La maîtresse des lieux, Mme BURNEL, nous propose aussitôt à la place, pour un prix un peu plus élevé certes, un lit dans le gîte tout confort, et notre état de fatigue nous rend enclins à céder à cette débauche de luxe et de facilité… !

Nous passerons donc, pour notre plus grand bonheur, notre soirée dans un lieu sain, avec des vrais lits, etc.

Repas, soin des pieds, douche et point sur l’itinéraire du lendemain rythme notre courte soirée, et nous allons enfin dormir d’un sommeil sans rêve…

Publié dans Les étapes

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